La musique, berceuse des âmes endolories des misères et des souffrances du Goudougoudou

Les escaliers de l'histoire de ce pays, hormis ses marches « paillassonnées » de gloire et d'épopée, a beau être parsemée de tourmentes et de conjonctures tragiques, tels des instabilités politiques, des crises socioéconomiques, des conflits interreligieux et autres, mais il est resté un jour de cette ère nouvelle, qui aurait dû être, si diable ! le séisme ne se présentait, le momentum à saisir en vue d'aboutir à un grand bond sur tous les plans, qui soit sombrement gravé, telle une inscription hiéroglyphique, dans la courte mémoire des haïtiens, vivant ou non sur leur terre native et ayant vécu les quelques tragiques et « interminables » secondes du séisme du 12 janvier 2010. Ce Mardi reste l'un des jours les plus sombres, lugubres, sanguinolents de toute l'histoire d'Haïti. Où s'entrechoquaient, de la façon la plus inéluctable et inextinguible, os et béton. Où se mêlent pleurs et sang...

Ces quelques vingtaines de secondes suffoquantes, poussiéreuses, désastreuses et impitoyablement cruelles, ont bien pris soin de laisser sous l'effet de leur passage des visages meurtris, des corps affaissés ou flétris, des esprits abasourdis, des démarches entravées, des familles amputées. Tout bien considéré, un pays à voiles déchirées par les plus violents vents de l'anxiété constante, du désespoir total... Tragédie ou fatalité, peu importe. Ce tout début d'année a sû marquer de son empreinte sanguinolente l'esprit rebelle et évasif de tous les haïtiens. À l'encontre de ce funeste sort sous lequel sont pliées, encombrées, les vies haïtiennes, survient la musique comme une forme de plainte accusatrice à la mère nature, une supplique aux dieux tutélaires de la nation, un repère « subtil » d'espérance. À travers la musique, qui s'avère « cet objet d'accusation et de complainte », on remarque à peine l'apparition redondante, d'une lueur d'espoir ; on capte le sourire furtif sous la gueule des plus et moins atteints du désastre. Tous, pour passer au bleu misères, souffrances et tristesse, fredonnent, chantent, virevoltent sous la cadence lugubre des morceaux composés ou interprétés par des artistes locaux ou étrangers. Au moins, les complaintes, d'ailleurs densifiées au quotidien, sont comprises et partagées.

Des grands artistes étrangers, par exemple Beyoncé et Jay-Z, accompagnant leurs chansons avec de belles notes musicales, ont divulgué leurs sympathies et condoléances à l'égard du peuple souffrant et endolori. D'autres comme Shaggy, Sean Paul, Bélo, et Sean Kingston ont composé de concert à l’instigation de la Digicel. « We are the world » ce tube composé par feu Michael Jackson, est réinterprété par  de grands artistes américains sous l’impulsion du célèbre producteur Quincy Jones et du chanteur Lionel Richie. Parmi eux, Tony Bennett, Janet Jackson, Mary.J.Blige, Miley Cyrus, Usher, T-Pain, Jamie Fox, Wyclef Jean, Adam Levine, Nathalie Cole, Snoop Dogg, Kanye West. Des artistes haïtiens conséquents et conscients ont, eux aussi, fait passer leurs voix à la mémoire des touchés, des disparus. Parmi ces artistes, on peut citer Tjo Zenny (du groupe musical Kreyòl La) et T-Ansyto qui ont cosigné « Ayiti leve », un morceau à travers lequel ils dépeignent la tragédie écoeurante du peuple haïtien. Il y a également « Down », un texte taillé en anglais de la romancière Edwidge Danticat. Emeline Michel a sû, une fois de plus, enjoliver un texte de sa voix mélodieuse. Idem pour les groupes musicaux. La musique donne, de ce fait, l'aspect de ce terrain oú s'entrecroisent peine et espoir, douleur et soulagement. Elle se révèle, en particulier, ces cris d'orfraie sortis du plus profond de nos âmes. Par ailleurs, elle donne voix à cette volonté de l'être humain de survivre.

En dépit du fait que les morceaux musicaux, composés sur le thème de la tragédie qu'a connue le peuple, se soient mués en outils véhiculateurs de messages d'espoir et de résistance, quelques mois plus tard, la cadence a tendance à casser. Petit à petit, la population retrouve presque sa gaieté d'auparavant. Par conséquent, l'euphorie cède la place au sens du réalisme. Dix ans déjà, les morceaux audios ou vidéoclippés qui ont brandi le spectre d'une renaissance plus ou moins consciente du peuple haïtien restent de grande envergure, mais sont devenus périodiques. À en conclure qu'ils ne soient d'actualité qu'à la période allant du debut de l'année jusqu'au 12 janvier. Encore, de nos jours, des artistes, dans leurs textes chantés, rallument les projecteurs sur ces moments lugubres et sordides.

Duméus C. Dalton

Commentaires